Affaire "Helvet Immo" : absence de délai de prescription pour les clauses abusives à l'égard des consommateurs
Publié le :
20/05/2022
20
mai
mai
05
2022
Entre 2008 et 2009, près de 4700 emprunts bancaires ont été conclus dans le cadre d’une opération intitulée « Helvet Immo ». Proposée par la banque française BNP Paribas par l’intermédiaire de sa filiale « Cetelem », ces crédits libellés en francs suisses, mais remboursables en euros, promettaient des retours fructueux par la mise en place d’investissements immobiliers défiscalisés.
Cependant, lors de la dépréciation de l’euro en 2011 à la suite de la « crise des subprimes », les montants à rembourser ont augmenté radicalement pour les débiteurs, avec des hausses allant jusqu’à 40 %.
En effet, le contrat de prêt prévoyait qu’en cas de variations de la parité entre la monnaie de compte (francs suisses) et la monnaie de paiement (l’euro), la banque était autorisée à allonger la durée du contrat, ainsi qu’augmenter le montant des mensualités.
Dans une récente décision, la Cour de cassation vient apporter une réponse très favorable aux consommateurs victimes de ce type de prêt.
Concernant les faits, un couple souscrit à trois prêts « Helvet Immo » en 2008, et se retrouve ainsi redevable de plusieurs montants exorbitants à rembourser. Ils décident alors d’assigner la banque au titre du manquement à ses obligations, et invoquent le caractère abusif des clauses citées en introduction.
Néanmoins, la Cour d’appel considère que les demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de clauses dénoncées sont irrecevables, car prescrites. Les juges du fond estiment que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives relève du droit commun des contrats, qui est soumis à la prescription quinquennale.
Les emprunteurs forment alors un pourvoi en cassation, et la Haute juridiction va répondre à leur demande après avoir obtenu la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur cette affaire.
En effet, sollicités par la Cour de cassation pour répondre à huit questions préjudicielles, les juges européens ont notamment considéré que les pratiques effectuées dans ce type de prêt sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif sur les obligations et droits respectifs des parties au détriment du consommateur, et que le professionnel ne peut raisonnablement s’attendre à ce que le consommateur accepte de s’engager dans une convention qui présente un risque disproportionné, par l’insertion des clauses dénoncées en introduction.
Ainsi, les juges français vont répondre le 30 mars 2022 aux demandeurs, sur le fondement de l’article L.110-4 du Code de commerce, et de l’article L.132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au moment des faits. Le premier de ces textes dispose que « les obligations nées […] entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes », tandis que le second énonce que les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont considérées comme abusives et réputées non écrites, dès lors qu’elles ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
De l’interprétation de ces deux textes, et à la lumière de la décision de la CJUE, la Cour de cassation tranche le litige en énonçant que « la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale », et censure donc l’arrêt d’appel.
En conclusion, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence, considérant que la banque a ainsi manqué à son obligation d’information sur le risque de change. Par ailleurs, la Cour a appliqué la même solution pour quatre affaires similaires (n°19-12.947, n°19-18.997, n°19-18.998, n°19-20.717).
Ainsi, tous les consommateurs qui ont souscrit à un contrat « Helvet Immo » entre 2008 et 2010 sont désormais fondés à agir en justice pour en demander l’annulation.
Références : Cass. civ. 1, 30 mars 2022, n°19-17.996
Historique
-
Affaire "Helvet Immo" : absence de délai de prescription pour les clauses abusives à l'égard des consommateurs
Publié le : 20/05/2022 20 mai mai 05 2022Rédaction - Droit de la responsabilitéEntre 2008 et 2009, près de 4700 emprunts bancaires ont été conclus dans le cadre d’une opération intitulée « Helvet Immo ». Proposée par la banque...
-
Changement de nom : vers une simplification des démarches dès le 1er juillet
Publié le : 05/05/2022 05 mai mai 05 2022Rédaction - Droit de la famillePar principe, le nom de famille est le nom attribué à une personne physique par ses parents lors de la déclaration de naissance à l’officier d’état...
-
Abonnement Internet : quelles solutions en cas de difficultés pour résilier ?
Publié le : 27/04/2022 27 avril avr. 04 2022Rédaction - Droit de la responsabilitéAujourd’hui, l’accès à Internet est essentiel dans nos sociétés contemporaines, que cela soit pour l’éducation des enfants, pour échanger avec ses...
-
Le préjudice d'angoisse de mort imminente reconnu comme autonome par la Cour de cassation
Publié le : 20/04/2022 20 avril avr. 04 2022Rédaction - Droit du dommage corporelLa nomenclature Dintilhac référence et évalue les différents préjudices des victimes, afin d’aider les professionnels de la réparation des atteinte...
-
Adoption plénière par l'ex-femme de la mère d'enfants nés d'une PMA : l'intérêt des enfants prime toujours !
Publié le : 15/02/2022 15 février févr. 02 2022Rédaction - Droit de la familleL’Assemblée nationale a adopté le 8 février 2022 la proposition de loi dite « loi Limon », afin de sécuriser le recours à l’adoption, et de renforc...
-
Garantie de livraison et contrat de construction de maison individuelle
Publié le : 05/02/2022 05 février févr. 02 2022Rédaction - Droit de la constructionPèse sur tout constructeur de maison individuelle, l’obligation de garantir la livraison de l’ouvrage à prix et délais convenus. Cette obligation p...
-
Loi Badinter : Elle ne s’applique pas si le véhicule terrestre à moteur est à l’arrêt et qu’il est dans sa fonction outil.
Publié le : 15/01/2022 15 janvier janv. 01 2022Rédaction - Droit du dommage corporelRédaction - Droit de la responsabilitéLa loi du 5 juillet 1985, dite « loi Badinter », instaure le régime d’indemnisation en faveur des victimes d’accident de circulation, impliquant un...
-
Isolation thermique défaillante : La réparation au titre de la garantie décennale est valable - Cass.civ.1er,30 novembre 2021, n°20-17.311
Publié le : 10/01/2022 10 janvier janv. 01 2022Rédaction - Droit de la constructionL’article 1792-1 du Code civil énonce que « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire », est rép...






